PubGazetteHaiti202005

Massacre-La Saline : 3 ans après, les présumés auteurs courent toujours, les victimes ignorées par l’Etat 

La Saline

Il y a 3 ans de cela, sous la présidence du feu Jovenel Moïse, des bandits armés ont perpétré un massacre dans le quartier de la Saline, l'un des grands bidonvilles de la zone métropolitaine, tuant plusieurs dizaines de personnes et violant plusieurs femmes dont des mineures les 13 et 14 novembre 2018. Les corps de certaines victimes ont été abandonnés dans une décharge publique à la merci des animaux.

 

Trois ans plus tard, les présumés assassins dont le chef du gang G9 Jimmy Cherisier alias "Barbecue" indexé par les différentes organisations de droits de l'homme et l'ONU déambulent sans crainte dans les rues de Port-au-Prince. L'ex policier transformé en chef de gang a toujours rejeté les accusations selon lesquelles il aurait pris part à cette tuerie. Des proches du président d’alors Jovenel Moise, également indexés,  vivent aisément jusqu'à présent au vu et au su des autorités judiciaires et policières.

 

Les victimes ignorées par l’Etat 

 

Ce massacre a été soldé sur un lourd bilan. « Au moins 71 personnes ont été tuées, 2 sont portées disparues et 11 femmes et filles ont été victimes de viol collectif. Des maisons ont été endommagées, brûlées et détruites », rapporte Rosy Auguste Ducéna, responsable de programme au Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) jointe au téléphone par la rédaction de Gazette Haïti.

A date, les victimes sont ignorées, laissées pour compte par l’Etat haïtien. « Aucune survivante n’a bénéficié de l’appui de l’Etat qui a d’ailleurs été dans le déni pendant longtemps après le massacre. Assister les victimes aurait été reconnaître que le massacre a été effectivement perpétré », croit Mme Ducéna qui dénonce le comportement complaisant de la justice qui n’a encore rien fait pour condamner les commanditaires de ce massacre odieux.


Dossier bloqué à la cour de cassation


Si cet acte criminel a été condamné par plusieurs organisations nationales et internationales, le verdict n’est pas encore tombé au niveau de la justice.

 
Selon la responsable de programme du Réseau National de Défense des Droits Humains, Rosy Auguste Ducéna, le dossier est actuellement bloqué au niveau de la cour de cassation car les avocats des accusés ont mené une action et attendent la décision de la cour. « La volonté de ne pas rendre justice aux victimes est flagrante parce qu’ici en Haïti, c’est le règne de l’impunité », analyse Rosy Auguste Ducéna qui assure que la société a besoin de comprendre « pourquoi les victimes ont été agressées avec autant de violence ».

 
« Jusqu’à présent, c’est l’impunité qui caractérise le dossier du massacre de La Saline », fait remarquer Me Samuel Madistin de la Fondation Je Klere interrogê lui aussi par Gazette Haïti à l'occasion du 3ème anniversaire du massacre de la Saline. Selon lui,  cela prouve  l’« échec » cuisant de l’Etat dont la mission est de garantir la sécurité des citoyens. « Il y a des crimes et les autorités étatiques n’ont pas pris des dispositions nécessaires pour que justice soit rendue. Bien souvent, des membres de l’Etat y sont impliqués. Il est évident qu’ ils ne souhaiteraient pas que justice soit rendue », dit-il.


Dans les différents rapports publiés par les différentes organisations de droits humains en Haïti et l’ONU, plusieurs officiels de l’administration de Jovenel Moise ont été épinglés: Joseph Pierre Richard Duplan, délégué départemental de l’Ouest, Fednel Monchéry, directeur général d'alors du Ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales et Pierre Léon Saint Rémy. Le chef de gang Jimmy Chérizier, alias « Barbecue » qui supportait le pouvoir du PHTK est également accusé d’avoir participé au massacre. 


La crainte d’un futur massacre similaire

 
Avec le silence de l’Etat dans ce dossier, la répétition d’un nouveau massacre est imminente, selon Me. Samuel Madistin qui avance que l’Etat haïtien n’a jusqu'à présent rien fait pour éviter de telles cruautés.
 

 « La justice n’a jamais joué son rôle dissuasif. Le pire est toujours à craindre car, si les bourreaux et agresseurs des 13 et 14 novembre 2018 avaient été traqués, jugés et condamnés, les nombreux autres événements sanglants qui ont suivi n’auraient peut-être pas eu lieu », souligne pour sa part Rosy Auguste Ducena tout en informant que le RNDDH a documenté 13 massacres. « Et, aujourd’hui alors que nous commémorons la mémoire des victimes de 2018, à Martissant et Fontamara des personnes sont tuées tous les jours depuis le 1er juin 2021 », regrette-t-elle.

Trois ans après le massacre de La Saline, des évènements sanglants de la sorte n’ont pas cessé. A Martissant, il y a presque tous les jours des victimes. Le soleil se lève au quotidien sous crépitement d’armes automatiques. Les bandits de plus en plus puissants agissent en toute liberté. Les familles haïtiennes vivent désormais dans la peur et le désespoir, alors qu’une multitude d’autres fuient le pays. 

 

 

 

Par : Daniel Zéphyr

Category

Politique

Culture

Economie

Sport